Baby Doc a peut etre oublie,mais le peuple se souvient....
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Par : Reed Brody
Conseiller juridique et porte-parole
pour Human Rights Watch à Bruxelles
Le proverbe haïtien « Bay kou bliye, pote mak sonje » peut se traduire par « Celui qui porte le coup l'oublie ; celui qui porte la cicatrice s'en souvient. ». J'ai repensé à ce proverbe, appris à l'époque où j'étais procureur à Haïti, lorsque Jean-Claude Duvalier, dit « Baby Doc », est retourné en Haïti la semaine dernière. Sous la présidence de Duvalier qui s'appuyait sur des miliciens surnommés Tontons Macoutes, des milliers de personnes ont été tuées et torturées, et des centaines de milliers de Haïtiens ont été contraints à l'exil. Le 18 janvier dernier, un procureur haïtien a demandé l'inculpation de Duvalier pour détournement de fonds et d'anciens détenus ont déposé plainte contre lui pour torture.
Certains se demandent si Haïti n'a pas déjà suffisamment de problèmes, sans, en plus, engager des poursuites contre Duvalier.
Bien au contraire. Traduire Duvalier en justice, tout en lui assurant un procès équitable, montrerait aux Haïtiens que leur État fonctionne encore, qu'il peut encore remplir le plus fondamental de ses devoirs : punir les auteurs des crimes les plus graves. Si « Baby Doc » s'en tire malgré tous les crimes qu'il aurait commis, comment les autorités peuvent-elles un tant soit peu espérer dissuader les gangs des rues de recourir à la force ?
Cette question va droit au cœur de l'un des problèmes les plus fondamentaux de Haïti : tout au long de son histoire, des dirigeants répressifs et leurs sbires ont commis des crimes dont ils n'ont jamais eu à rendre compte. La loi a été utilisée à mauvais escient pour renforcer la domination d'une petite élite sur la grande masse de paysans pauvres, et n'a presque jamais servi à punir les auteurs de ces crimes, y compris des pires massacres. Même lorsque des dictateurs comme « Baby Doc » Duvalier ont été renversés, ils ont généralement été autorisés à quitter le pays en toute sécurité pour aller retrouver leurs comptes bancaires. De ce fait, les Haïtiens les plus pauvres font, à juste titre, peu confiance à l'État haïtien en général, et au système judiciaire en particulier.
En 1995, après trois années de règne de la terreur en Haïti - peut-être les pires qu'aient connues le pays - j'ai été engagé par le gouvernement du président Jean-Bertrand Aristide pour poursuivre ces crimes devant la justice. Le gouvernement militaire de Raul Cédras et ses alliés paramilitaires avaient tué entre trois mille et cinq mille personnes, pour la plupart des militants de base et des Haïtiens parmi les plus pauvres.
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