Un Premier ministre désigné constamment étiqueté comme un “fervent catholique” par-ci, un congé catholique décrété brusquement par-là, le romancier haïtien Lyonel Trouillot crie au danger de mêler politique et religion tout en rappelant que l’Etat haïtien est laïc.
Se prononçant dans sa rubrique “Si m pa rele” sur le site de radio Kiskeya autour du "congé catholique" de l’Ascension décrété brusquement le 2 juin, l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot crie “Attention danger!”
« L’arrêté présidentiel proclamant le jour de l’Ascension jour de congé ne peut être considéré que comme un mauvais précédent, aux yeux de la logique républicaine. La république haïtienne sera laïque ou ne sera pas », écrit Lyonel Trouillot.
Les quelques acquis démocratiques, poursuit-il, obtenus de haute lutte par le peuple haïtien sont la liberté d’expression, un début de laïcisation de l’Etat et de la vie civile, la représentation (pour maladroite qu’elle soit) de couches sociales jusqu’ici interdites de politique dans la vie politique du pays.
Dans ce billet publié le 2 juin, l’auteur de “Thérèse en mille morceaux” revient sur les années de gouvernance molle, de “laxisme honteux” de René Préval. “Un peu de nerfs et de (bonne) volonté (…) nous auront beaucoup manqué au sommet de l’Etat ces dernières années”.
Mais, ajoute-t-il, la bonne volonté ne suffira pas. Et très vite on risque d’arriver à une situation dans laquelle qui veut faire l’ange fait la bête si ce volontarisme fait fi des acquis démocratiques et des principes républicains.
“La république n’est ni catholique, ni protestante, ni vodouisante. Le devoir de l’Etat et du gouvernement est d’assurer le libre exercice des cultes et de l’athéisme dans la sphère privée”, souligne l’écrivain.
Lyonel Trouillot rappelle les malheurs causés par la tristement célèbre campagne anti superstitieuse. “On vit aujourd’hui des conflits larvés, certains représentants des cultes réformés s’arrogeant le droit d’accuser le catholicisme et le vodou de compter parmi les causes de nos malheurs. Voilà que le président vient lui-même mettre de l’huile sur le feu en proclamant un jour de congé pour une croyance qui ne concerne que les catholiques et ne s’inscrit pas dans une symbolique nationale. C’est pour le moins une erreur de jugement, et au pire une menace sur les acquis démocratiques si elle annonce une ligne de conduite”.
Pour finir, Lyonel Trouillot demande humblement au Président, au Premier ministre désigné, aux ministres pressentis de vivre leurs croyances en privé et de les garder hors des affaires publiques.
“Libres à vous et à tous d’avoir qui ses Jésus, Marie, joseph, qui ses Damballah et Erzulie, qui son mystère de la trinité et de l’immaculée Conception, qui ses mystères tout court qui dansent sa tête, qui pas de mystère du tout et la simple espérance que « l’humanité ne se pose que des problèmes qu’elle peut résoudre ». Dans la sphère privée. Mais n’imposez à personne vos mythes et vos prières”, termine-t-il.